POLITIQUE – Le maître des horloges retarde. Emmanuel Macron a une nouvelle fois repoussé ses annonces sur le séparatisme. Initialement prévues mardi 22 septembre, elles n’interviendront qu’une semaine plus tard, le 2 octobre. Une rallonge de temps qui témoigne de l’embarras au plus au sommet de l’État sur un thème explosif agité par la macronie depuis des mois.
C’est le président de la République lui même qui avait mis le sujet sur le tapis en février dernier à Mulhouse, en s’exprimant “contre le séparatisme islamiste” depuis le quartier sensible de Bourtzwiller. Et c’est Jean Castex qui l’avait relancé dès son discours de politique générale à la mi-juillet, promettant un projet de loi sur le sujet à la rentrée de septembre.
Nous y sommes, et le chef de l’État continue de prendre son temps. Son entourage dessinait au début du mois, en marge d’un discours au Panthéon toute une séquence consacrée ”à l’autorité républicaine.”
Force est de constater que la séquence, si elle a existée, est passée inaperçue, à l’image d’ailleurs du “grand discours sur la laïcité” promis en 2017 par le chef de l’État, et encore attendu aujourd’hui. Autant de sujets qui tendent à diviser et in fine fragiliser sa majorité en perte de repères.
Feu sur le séparatisme
“Il n’y aura jamais de place en France pour ceux qui, souvent au nom d’un Dieu, parfois avec l’aide de puissances étrangères, entendent imposer la loi d’un groupe. Non, la République, parce qu’elle est indivisible n’admet aucune aventure séparatiste”, expliquait Emmanuel Macron le 4 septembre dernier en célébrant le 150e anniversaire de la proclamation de la République en confirmant “un projet de loi de lutte contre le séparatisme” “dès cet automne.”
Et depuis? Pas grand chose. Les ministres et autres députés de la majorité se sont relayés dans les médias pour donner leur version du séparatisme, et par la même occasion affiché leur division.
Dans le même temps, plusieurs mesures ont été dévoilées au fil des jours, comme le contrôle plus strict d’associations qui donnent des cours de langue ou de soutien scolaire. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a annoncé de son côté qu’il proposerait de pénaliser les certificats de virginité que délivrent des médecins tandis que la loi devrait également prévoira aussi la création pour les associations d’un contrat d’engagement sur la laïcité.
Finalement Lunel, c’est non
Autant de dispositions que le chef de l’État envisageait initialement de présenter depuis Lunel, dans l’Hérault, une ville tristement célèbre pour avoir été le point de départ de nombreux jihadistes pour la Syrie. C’est en tout cas ce qu’a indiqué le quotidien régional Midi Libre à plusieurs reprises, annonçant la visite d’Emmanuel Macron mardi 15 puis mardi 21 septembre.
Il n’en sera finalement rien à en croire “un confident” du chef de l’État qui s’exprime dans Le Parisien: “Lunel, c’est quand même très marqué terrorisme, même un peu touchy pour venir parler communautarisme. Il ne le sentait pas.”
Un revirement qui s’explique peut-être par les récentes polémiques créées par certains marcheurs autour du port du voile notamment.
Après des échanges “particulièrement belliqueux” sur la boucle Telegram des députés LREM -racontés par Libération- à propos du tweet d’une journaliste du Figaro magazine qui rapprochait une étudiante voilée proposant des recettes de cuisine aux attentats terroristes du 11 septembre 2001, les élus marcheurs ont finalement afficher leur division au grand jour après l’intervention virulente d’une des leurs à l’Assemblée nationale.
La majorité chauffée à blanc
Anne-Christine Lang avait effectivement préféré déserter, jeudi 17 septembre, la commission travaillant sur “les effets de la crise du Covid-19 sur les enfants et la jeunesse”, que d’écouter une élue syndicale portant le voile, alors que rien dans la loi ni dans le règlement de l’Assemblée ne pourrait la contraindre à se vêtir autrement.
“Je ne peux accepter qu’au sein de l’Assemblée nationale, le coeur battant de la démocratie (…), nous acceptions qu’une personne se présente en hijab devant une commission d’enquête”, expliquait alors l’élue LREM des Landes, avant de prendre soin de découper la séquence pour la publier sur les réseaux sociaux et ainsi revendiquer son geste.
Impensable pour plusieurs députés de la majorité, dont les réactions dérangées, rappellent que La République en marche ne s’appuie pas sur un socle idéologique uniforme. “Notre jeunesse a besoin d’intelligences collectives, pas d’un débat stérile” répliquait par exemple la présidente de la commission LREM Sandrine Mörch, avant le rappel à l’ordre du patron de la formation présidentielle Stanislas Guérini.
C’est donc sur un fil, avec ces divisions en tête et sous la pression d’une partie de l’opposition que le chef de l’État procède aux derniers arbitrages de sa loi. Avec un autre enjeu pour Emmanuel Macron: passer de la maîtrise des horloges à celle des boussoles.
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Source Article from https://www.huffingtonpost.fr/entry/de-lunel-au-pantheon-comment-macron-sest-enferre-sur-le-separatisme_fr_5f68adabc5b6b9795b142e6f
De Lunel au Panthéon, Macron s’est enferré dans le séparatisme
Source : Le Huffington Post