Le rapport portant sur le réchauffement climatique publié le 10 juin par l’Agence International de l’Énergie (AIE) est on ne peut plus clair: si aucune mesure urgente n’est prise en faveur d’une réduction des gaz à effet de serre, la hausse des températures sur Terre atteindra les 5 degrés d’ici la fin du siècle, bien loin de l’objectif des 2 degrés fixés à Kyoto. Une différence de 3 degrés synonyme de véritable catastrophe climatique: comment éviter un tel scénario? Pour revenir à l’objectif initial, l’AIE propose quatre séries de mesures permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur énergétique à l’échelle mondial et d’accomplir 80% de l’effort nécessaire pour rester dans la trajectoire des 2°C. Parmi elles, la première mesure, en faveur de l’efficacité énergétique et notamment de l’efficacité énergétique active dans le bâtiment, réduirait à elle seule de moitié les réductions d’émissions visées. Autre avantage: le scénario proposé n’aurait pas d’impact négatif sur la croissance d’après le rapport. La France, qui s’est gaussée d’être un modèle climatique, mais dont les ambitions en termes de réduction de gaz à effet de serre se sont réduites comme une peau de chagrin, serait bien inspirée de redevenir un moteur de la transition énergétique en appliquant les recommandations de l’AIE.
Une urgence climatique: un risque de non retour?
Cinq petits degrés de différences d’ici 2100, pas évident d’en quantifier l’impact au premier abord … pourtant, et sans excès de catastrophisme, cet impact serait dramatique pour l’ensemble de la biodiversité terrestre: disparition du glacier himalayen, inondation des villes côtières comme New York ou Shanghaï, suppression du Gange, pénurie d’eau et de nourriture pour des centaines de millions d’habitants, extinction d’un tiers des espèces … Des prévisions pas vraiment réjouissantes confirmaient par le rapport de l’AIE, véritable sonnette d’alarme à destination de ses États membres. Pour assombrir un tableau déjà pas bien gai, la perspective d’un point de non retour se dessine: plus nous nous éloignons de l’objectif visé des 2 degrés, plus les possibilités de faire machine arrière sont compromises. John Schellnhuber, directeur d’une étude sur le réchauffement climatique pour la Banque mondiale confirme cette hypothèse: “Si nous dépassons le seuil de 2 degrés pour nous approcher de 4 degrés, le risque de franchir le point de non-retour s’aggrave sérieusement. Le seul moyen d’éviter ce piège est de modifier nos modes actuels de production et de consommation”.
Efficacité énergétique du bâtiment: le meilleur levier d’action des réductions d’émission CO2
Autant dire que les préconisations de l’AIE sont à prendre au sérieux pour revenir au plus vite à l’objectif de 2 degrés signé lors du protocole de Kyoto. Quatre paquets de mesures sont ainsi préconisés par le rapport de la branche énergétique de l’OCDE: augmentation de l’efficacité énergétique, limitation des centrales à charbon, réduction des rejets de méthane de l’industrie pétrolière et enfin la suppression des subventions liées à la consommation de carburants fossiles. Le rapport précise que la seule mise en place des mesures d’efficacité énergique contribuerait à hauteur de moitié (49%) à la réalisation de l’objectif de diminution du réchauffement climatique: soit tout autant que l’ensemble des 3 autres mesures réunies! Le secteur du bâtiment est particulièrement visé puisque il “engloberait à lui seul environ 60% des réductions d’émissions au niveau mondial”, poursuit l’étude. En définitive, réduire les consommations énergétiques des bâtiments au niveau mondial apparaît comme le meilleur levier d’action pour revenir au plus vite dans les clous de l’objectif fixé par la communauté internationale en 1997 à Kyoto.
Face à ce constat, reste à définir les solutions apportant le meilleur gain en termes de coût et d’économie d’énergies. La rénovation thermique des bâtiments, largement mis en avant par les pouvoirs publiques depuis le Grenelle de l’environnement, n’a pas eu tous les effets escomptés: souvent long et cher à mettre en œuvre, les résultats s’avèrent fluctuants en terme de gain énergétique. Au début de son mandat, le chef de l’état avait fixé l’objectif de rénovation de 500.000 logements: pourtant en 2012 seuls 150.000 logement ont pu être rénovés malgré l’ensemble des aides publiques apportées par Le Grenelle. Des aides pas particulièrement bon marché: la seule mesure consistant à verser une prime aux ménages effectuant des travaux de rénovations thermique et dont les revenus ne dépassent pas 35.000 euros a déjà coûté un demi-milliard a l’État sur 2 ans.
Le défi de l’efficacité énergétique active
Heureusement d’autres solutions d’efficacité énergique existent disposant d’un meilleur rapport coût/économie d’énergie comme la diminution des gaz à effet de serre, et apparaissent ainsi plus à même d’appliquer les mesures préconisées par l’AIE. Parmi celles-ci, les solutions d’efficacité énergétique active offrent actuellement un rendement particulièrement pertinent. L’efficacité énergétique active consiste à réguler sa consommation énergétique au plus près de ses besoins réels à l’aide de compteurs intelligents. Il est ainsi possible d’optimiser l’ensemble de ses usages énergétiques: chauffage, eau chaude, éclairage ou encore climatisation. Des solutions d’efficacité énergétique qui devrait se généraliser avec l’arrivée en masse des objets connectés: d’ici 2020, 50 milliards d’objets seront connectés à Internet: “La première vraie révolution technologique du XXIe siècle” selon Jean-Luc Baylat, président d’Alcatel-Lucent Bell Labs France. En 2040, 60 fois plus d’objets seront connectés au Web que d’usagers: un véritable défi pour la numérisation de la consommation énergétique.
Le gain énergétique lié aux solutions d’efficacité énergétique active est considérable si on considère la relative facilité de mise en place de telles solutions. Pour un coût total compris entre 1000 euros (environ 600€ de matériel et 300€ d’installation) et 2500€, un particulier peut espérer réduire sa consommation de près d’un tiers et rentabiliser son dispositif sur une période comprise entre 3 et 7 années. Si on applique ce tarif à l’ensemble des 33 millions de logements français, on obtient une facture de 33 milliards d’euros, avec une possibilité de retour sur investissement dès la 3ème année: un montant à comparer au coût de rénovation des 500.000 logements en France voulu par le gouvernement et estimé à 20 milliards d’euros! Des gains énergétiques qui peuvent même être largement maximisés pour les bâtiments bénéficiant d’un fort taux d’occupation comme les bureaux, les écoles ou encore les hôtels. Une étude parue en début d’année, “l’efficacité énergétique: moteur de la transition énergétique”, montrait que les solutions d’efficacité énergétique activent permettait de réduire d’un quart à un tiers des émissions de CO2 émises dans les bâtiments (88 millions de tonnes de CO2/an).
L’Europe comme moteur de la transition énergétique?
Dans son rapport, l’AIE recommande enfin que “Les pays qui, comme ceux de l’Union Européenne, le Japon, les États-Unis et la Chine, ont déjà mis en place de telles politiques en faveur de l’efficacité énergétique, doivent les renforcer ou les développer. Les autres pays doivent mettre en place des politiques similaires. Tous les États doivent adopter des mesures d’accompagnement afin de surmonter les obstacles à une mise en œuvre efficace de ces politiques”. Une amélioration des politiques d’efficacité énergétique à l’échelle mondiale qui passera en premier lieu par les pays développés, et donc l’Europe: un vrai objectif tant la politique commune énergétique actuelle paraît bloquée sur notre vieux continent. Pour preuve, le cri d’alarme lancé mi-mai par les dirigeants de huit producteurs européens de gaz et d’électricité aux politiques européens, afin qu’ils mettent rapidement en place une politique commune énergétique. Politique commune, qui a fait particulièrement défaut jusqu’à présent. Gérard Mestrallet, PDG de GDF Suez, expliquait au journal Le Monde “le contexte de cet appel aux politiques européens: “La politique européenne en la matière avait un triple but: lutter contre le réchauffement climatique, améliorer la compétitivité et assurer la sécurité d’approvisionnement du continent. Or sur ces trois volets, c’est l’échec. Nous ne demandons pas des subventions, mais de la visibilité, des règles stables et homogènes en Europe, des objectifs quantifiés jusqu’en 2030 en matière de lutte contre le réchauffement climatique”.
Une Europe qui s’est éloignée dangereusement des objectifs de Kyoto en terme de réchauffement climatique: “Malgré le protocole de Kyoto sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, malgré la mise en place d’un marché du carbone, les émissions de CO2 du secteur énergétique sont récemment reparties à la hausse, en particulier en Allemagne”, poursuit-il. Un constat qui se vérifie aussi en France, comme le confirme le CGEDD (Conseil général de l’environnement et du développement durable): “La France respecte formellement ses engagements au titre du protocole de Kyoto, mais il s’agit d’un résultat en trompe l’œil: l’empreinte carbone par habitant des Français a augmenté de 15% en 20 ans, si on prend en compte le solde des échanges extérieurs de GES”.
Revenir aux objectifs de Kyoto en termes de réchauffement climatique, en faveur d’une réduction des gaz à effet de serre, notamment via des solutions d’efficacité énergétique active, est devenue une urgence. L’Europe et la France seraient bien inspirées de mettre en place rapidement une politique commune en faveur de l’efficacité énergétique active et redevenir le modèle qu’elles ambitionnent d’être en terme de politique énergétique. Des modèles qu’elles n’auraient jamais dû cesser d’être.
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Source Article from http://www.huffingtonpost.fr/christophe-plebois/rechauffement-climatique_b_3696019.html
Christophe Plebois: Réchauffement climatique: il est urgent de développer l’efficacité énergétique active
Source : Fr Environnement sur Huffingtonpost FR